Lorsqu’il s’agit de droit de la consommation, on ne peut ignorer le fait que l’évolution de la loi accuse un certain retard sur celle de la société. La preuve : à l’ère du tout digital et de la toute-puissance des réseaux sociaux et des forums d’avis, on continue de « penser » le consommateur comme une victime forcément naïve d’entreprises « prédatrices ». Par conséquent, on assiste à l’avènement de tribunaux populaires en ligne, où règne un certain sentiment d’impunité qui pousse la critique sur le terrain du dénigrement, ou de l’e-dénigrement pour être plus précis…
Les marques peuvent-elles se protéger du dénigrement des consommateurs ?
Le consommateur est-il toujours une victime ? Ou, pour être plus précis, le consommateur est-il encore une victime ? Tout semble indiquer que non… Aujourd’hui, les forums d’avis ont transformé le consommateur en « accusateur », prêt à saisir la DGCCRF ou à déposer une plainte pénale contre une entreprise, l’accusant d’arnaque. Le tout, confortablement blotti derrière son écran.
Les forums y sont certainement pour quelque chose… En effet, ceux-ci ont tendance à inciter à une forme de délation, glorifiant le « pauvre consommateur naïf » qui contribue à ce qu’une entreprise mette la clé sous le paillasson. On peut donc parler d’une forme de justice expéditive, sans garde-fou, qui invite à réfléchir sur la notion de liberté d’expression sur le web, mais aussi sur le rôle des forums et de leurs exploitants. Ces derniers, agissant généralement sous couverts d’associations de défense des consommateurs, ont par exemple pris l’habitude d’encourager les consommateurs à la délation et à dénoncer les e-commerçants, et ce dès le premier jour de retard de livraison. Excessif ? Ce comportement l’est certainement…
Face à cette situation, la plupart des entreprises se retrouvent démunies, désarmées car la loi continue de percevoir le consommateur comme le maillon faible de la chaîne. D’autant plus que Google privilégie les avis des consommateurs en termes de référencement, les faisant apparaître en premières positions sur les SERPs, ce qui nuit à la réputation des entreprises. Et si, en apparence, cette forme de dénigrement peut aisément être invoquée par le justiciable dénigré, la réalité est toute autre ! En cause : le droit français continue de confondre dénigrement et liberté d’expression…
Vers de nouvelles jurisprudences
A la lumière de la récente condamnation du site Signal-arnaques, on peut espérer de nouvelles jurisprudences en la matière, qui permettraient de mieux protéger les entreprises victimes de dénigrement en ligne. Revenons au cas qui nous intéresse, très révélateur à cet égard…
En septembre dernier, la société éditrice du site Signal-arnaques.com a été condamnée par le tribunal de commerce de Paris. Rappel des faits : à la suite d’un signalement d’arnaque sur le site, la société concernée a notifié des avis dénigrants à Signal-arnaques. Les courriers recommandés de la marque sont restés sans effet, la poussant à aller devant la justice. La décision du tribunal de commerce de Paris ne s’est pas faite attendre : estimant que le site a suffisamment acquis la connaissance du fait que Signal-arnaques hébergeait des avis litigeux sans qu’il agisse promptement, la société éditrice du site a été condamnée, entre autres, à 25 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi par la société plaignante.
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